23 décembre 2012

Solos Saxophones Voices : Daunik Lazro, Evan Parker, Anthony Braxton, Michel Doneda, Gianni Gebbia

solos saxophone voices 

Some Other Zongs  Daunik Lazro   Ayler 
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Daunik , une parole sensée et une musique sensitive, profonde, palpable et essentielle : some other Zongs ( cd ayler !! rds). Cela commence par une tune de Joe McPhee que celui-ci jouait à Paris  au Nouveau Carré de Sylvia Montfort quand Philippe Quinsac et d'autres l'ont découvert , et donc Vieux Carré de Joe Mc Phee - graphics - ténor - round midnight / variations on a blue line - glasses.... 
comme Tony Bevan (qui joue avec Sunny M), il a le son grave et profond, empâtement / sculpture vibratile, harmoniques - cris - pleurs - pulsations de l'air - projection de la respiration - le coeur battant - vision du soleil levant - feuilles se détachant avant l'hiver - brassage de grilles froissées comme au commencement - pourrissement du sens des choses - nulle part et maintenant - là ou hier  c'était some Other Zongs - d'Aylet à laZro, l'alpha et l'oméga de l'espoir, du rire, des IWW, de Berlin 19 , du Potlatch intégral

Saxophones Solos Evan Parker Psi 
(réédition du LP Incus 19)
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Certains de mes amis ont toujours considéré Spiritual Unity (le trio Albert Ayler / Gary Peacock / Sunny Murray de 1964) comme étant l'an zéro du free - jazz. Ces Saxophone Solos 1975 d'Evan Parker - au saxophone soprano - me semblent bien être le révélateur d'une démarche dont on entend toujours aujourd'hui la démesure utopiste .... il suffit d'écouter  l'évolution récente des Michel Doneda, Heddy Boubaker, Bertrand Denzler et consorts, John Butcher, Jacques Foschia, Mats Gustafsson quand il explore, ou Peter Evans et Nate Wooley chez les trompettistes... Une remarque au préalable : la musique de cet enregistrement se démarque de la démarche solo pour laquelle Evan Parker est célèbre aujourd'hui : les volutes de son soprano se croisent et se multiplient dans une véritable illusion de polyphonie comme on peut l'entendre dans ses albums solos  Monoceros, Six of One, Conic Sections, Whitstable solos. Les trois premiers morceaux des Saxophones solos (16'20, 6'30, 14'25)  est en fait l'enregistrement du premier concert solo de Parker en 1975 et c'est plus qu'un tour-de-force. Un véritable manifeste : la recherche des sons dans l'expression physique abolit la frontière entre les notes  et les bruits utilisés comme sons musicaux. Dès les premiers sons, Evan Parker des harmoniques aiguës longues avec des phrases articulées violemment et projetant des idées sonores contrastées faites de lambeaux d'attaques, de sons étouffés, de ponctuations bruitistes. Cela mène à cet ostinato de deux notes aiguës accompagné par des sons simultanés qui paraissent être joué par  un autre musicien. Bien vite, son imagination  enchaîne sur des glissandi obtenu en mettant le pavillon du sax sur le mollet de l'avant-jambe relevée, geste que les spectateurs - auditeurs ne reverront sans doute plus jamais. Pour la bonne bouche, les autres morceaux enregistrés en studio à Berlin et qui ne figuraient pas sur le vinyle Incus.
Un manifeste incontournable.

Urs Leimgruber  Solo 13 # Pieces for Saxophone Leo Records LR498
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Tour à tour ludique, chaleureux, parfois austère, intimiste, virtuose, sensible, subtil, Urs Leimgruber nous offre un magnifique Solo. Précision : « Recorded in Real Time » le 14 décembre 2006. Cette collection de 13 # Pièces pour saxophone (soprano et ténor) semble être pour son auteur, le testament d’une vie dédiée à l’improvisation, au saxophone et à la musique. Chacune d’entre elles nous fait entendre le développement d’une idée, porte la marque d’une réflexion profonde et au final, Leimgruber s’affirme comme un compositeur de l’instant réellement attaché à nous livrer une forme que, personnellement, je trouve poétique et surtout sensible. L’écho du jazz libre (Seven) aussi bien que celui de l’expérimentation (Eight, Nine). Eight est vraiment remarquable par l’usage inusité des harmoniques. Eleven nous fait entendre les harmoniques jouées au ralenti et Twelve reprend le même matériau sous une forme spiralée qu’il concasse bien vite tout en produisant des multiphoniques suraiguës semblables à celles que son ami Evan Parker nous fit découvrir dans ses Saxophones Solos de 1975 (réédition Psi). Thirteen, curieusement, enchaîne sur une tournerie évoquant  un hautbois oriental vers la cinquième minute. Bien vite, le saxophoniste transforme ce motif avec beaucoup d’imagination clôturant l’album avec une sorte de « bonus », inspiration de la dernière seconde. Par rapport à celle de ses confrères (Evan Parker, Michel Doneda, John Butcher), la musique d’Urs Leimgruber recèle un lyrisme secret et se fait l’expression d’une paix intérieure, d’une forme de sagesse.  Limpidité, fluidité, inspiration et un grand bonheur d’écoute. Jean – Michel Van Schouwburg. 
PS : Encore plus attachant que son opus solitaire précédent, Blue Log/ For 4 Ears 1999.

Anthony Braxon Solo (NYC) 2002 Vol 1 & Vol 2 Parallactic 53 et 54
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Il y a une dizaine d’années, le saxophoniste / compositeur Brandon Evans , un élève d’Anthony Braxton , animait le label Parallactic, principalement avec ses performances solos , ses duos avec Braxton et différents projets. Au catalogue, on remarque des rencontres alléchantes avec Sonny Simmons, Braxton et Evans. Depuis lors, Evans a cessé ces activités d’édition et a confié une partie des enregistrements Parallactic au site cathodejazz.com . Ô surprise, on y trouve un excellent concert solo de Braxton au sax alto enregistré en mai 2002 à New – York et édité en deux volumes séparés. La qualité du son est plus que correcte et la musique optimale. Malheureusement, le site Cathodejazz a, depuis lors, fermé. Bien que je sois convaincu à 200 % par la musique de ce musicien exceptionnel depuis des décennies, je dois dire que l’expansion de sa discographie et de la durée de ses œuvres dans l’ère de sa « Ghost Trance Music » et ses avatars subséquents m’ont laissé perplexe à plus d’un titre. J’apprécie particulièrement le coffret de 4 CD «  6 Compositions 2000 » publié par Gino Robair sur Rastascan. 
Avec ces deux solos récents (2002 dans le contexte d’une œuvre qui a débuté en 1967/68, c’est assez récent), l’auditeur plonge au fin fond de la créativité et de la spontanéité au milieu des méandres du développement de sa vie musicale. Anthony Braxton est un compositeur dont chacune des pièces pour saxophone alto  solitaire se focalise sur une idée et une direction particulière, ayant trait soit à des intervalles particuliers ou à une ou plusieurs techniques sonores, un jeu rythmique. Au programme, il y a aussi trois standards du jazz moderne (Tune Up de Miles Davis, Peace d’Ornette Coleman et Body and Soul). De nombreux improvisateurs saxophonistes ont adopté une démarche similaire à la sienne, mais ce qui m’enthousiasme beaucoup chez Braxton soliste « absolu » c’est l’esprit de l’improvisation libre, spontanée et chercheuse dans les pièces les plus soniques. Le tracé de sa musique solo semble suivre les passages obligés de ses compositions de la série no312, mais le son de l’instrument et sa manière de jouer exercera une véritable fascination sur les thuriféraires du tout-non idiomatique, qu’ils connaissent peu ou prou son travail. Quelque chose d’actuel, de ressenti, une remise en question interne dynamique qui le rend proche d’improvisateurs radicaux qui renouvellent cette musique. Il y a quatre décennies, Braxton évoluait avec des compagnons trompettistes comme Leo Smith et Kenny Wheeler. Aujourd’hui, on imagine bien l’entendre jouer avec Nate Wooley et Peter Evans qui apportent aujourd’hui une dimension nouvelle à cet instrument. Ces compositions solos, liées à ce qu’il appelle « language music » sont le véhicule d’une improvisation jusqu’au boutiste assumée. Braxton improvise à fond sur les structures à tel point qu’on les oublie. Sa personnalité de musicien et instrumentiste transparaît dans tout ce qu’il joue quelque puisse être le champ musical de chaque pièce, du standard de jazz revisité à l’invention sonore radicale. 
J’ai lu dans les notes de pochette de deux de ses albums solos inédits enregistrés en 1978 et 1982 pour Leo /Golden Years que Braxton jouait à l’époque comme il jouerait aujourd’hui. Ces deux cédés prouvent tout le contraire. Bien sûr, le fonds de sa musique n’a pas changé. Mais le feeling, l’état d’esprit, la rythmique, l’approche sonore du saxophone dans les multiples directions de ses investigations ont sensiblement évolué. Pour ceux qui ont écouté à satiété ses enregistrements solos datant des années 70, ces deux cédés solos New Yorkais donneront un regard contemporain sur le développement de son œuvre dans sa réalité la plus basique et la plus profonde. Un véritable must ! L’œuvre orchestrale récente de Braxton est susceptible de décevoir une partie des amateurs et j’avoue ne pas avoir pris le temps d’écouter tout cela suffisamment pour exprimer un avis valable sur la question. Par contre, je n’hésite pas à recommander chaudement ces enregistrements solos pour la simple et bonne raison qu’Anthony Braxton saxophoniste transcende la pratique de l’improvisation contemporaine et qu’il y a un plaisir inouï à écouter cette musique solitaire. On a considéré longtemps que le fameux Solo Live in Moers de 1974 publié par Ring Records (et puis Moers Music) était le graal braxtonien absolu, concentré sur deux faces de vinyl. Aujourd’hui, il y a ces deux volumes qu’il faut sortir d’urgence de l’ombre.

Solo Las Planques        Michel Doneda  Sillon 1

Label à édition limitée et numérotée (500exempl.) lancé par le percussionniste Norvégien Ingar Zach, Sillon est une émanation madrilène du label Sofa dont Zach est par ailleurs co-responsable. Celui-ci a quitté Oslo pour Madrid et Sillon a troqué le digipack design de Sofa pour un simple emballage brun, cartonné et imprimé au pochoir. Le solo de Michel Doneda enregistré dans la chapelle de Las Planques par Pierre – Olivier Boulant marque une nouvelle étape de la démarche solitaire du saxophoniste soprano après Anatomie des Clés / Potlatch. Cet album Sillon 1 est superbe. Doneda fait vivre les sons à l’intérieur du tube et fait parler les froissements de la colonne d’air comme un chant de la nature. Il projette ses sons dans les moindres détails avec une puissance inouïe. Bien que Las Planques soit une très belle expérience d'écoute, je préfère encore son concert solo de Bruxelles, car il y avait raconté une histoire d’un seul tenant durant plus de cinquante minutes en développant des idées différentes et en les connectant les unes aux autres avec beaucoup de sens et d’ingéniosité. Malgré cette remarque, Solo Las Planques est tout à fait convaincant. Il y a plusieurs morceaux différents, mais comme son auteur le fait remarquer, il ne s’agit pas d’ « études » : c'est une aventure qui multiplie les risques. Ici, elle est totale. Dans cette direction musicale que Phil Durrant qualifie de « micro-improv », très peu de musiciens parviennent à cet état de grâce.
PS : Cette chronique a été écrite il y a plusieurs années. Je me suis trouvé un jour à partager un concert avec Michel Doneda et j'ai été ébloui par son jeu unique. Je pense qu'il a encore gravi un échelon de cette montagne sacrée : la maîtrise du sax soprano au service d'une expression à nulle autre pareille. Les paramètres du soprano explosent dans une construction vivante multi-dimensionnelle qui dépasse ou sublime les réalisations d'Evan Parker durant les années 70. Il est bien le seul. 

Whitstable Evan Parker solo Psi
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Si vous deviez jamais faire découvrir la musique d’Evan Parker à quelqu’un chez qui cela risque de coincer question digestion, on peut vous recommander ce dernier album solo. Plus sobre, un peu moins de complexités, des morceaux plus courts, un peu moins de lignes et de sons simultanés que dans les enregistrements solos tels Six Of One (1980), The Snake Decides (1985) et Conic Sections (1989), réédités par Psi. Le choix de Whitstable facilitera l’écoute des amateurs qui ont du mal avec des musiques trop denses (malgré tout c’est quand même très dense). C’est aussi moins grandiose que Six of One et moins agressif que Monoceros (1977) dont les fréquences aiguës faisaient tinter les tympans. Ce qu’il réalise, une illusion de polyphonie en croisant des lignes mélodiques au moyen de faux doigtés et de la respiration circulaire, n’est possible qu’avec un saxophone soprano…. et une technique de souffle hallucinante. La respiration circulaire n’est qu’un élément parmi d’autres. Il y a plus de trente ans, les solos d’Evan Parker, bien que marqués par toutes ces musiques qui tournent sur elles - mêmes (pibroch écossais, flûtes du Rajasthan et sorud du Baloutchistan), étaient tournés vers l’expérimental et le sonique, alors qu’au fil du temps, s’est manifestée incontestablement une dimension plus « musicale », lyrique et traditionnelle. Musicalement, c’est exceptionnel et la prise de son d’Adam Skeaping dans l’église de Whitstable magnifie la musique. Evan Parker a une maîtrise inouïe du saxophone soprano et on entend poindre quelques lignes qui font songer à Steve Lacy. Extraordinaire !

Arcana Major / Sonic Tarots Sessions - H Portraits Gianni Gebbia Rastascan (deux cds solos)
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Deux albums solos de ce saxophoniste sicilien rassemblant des compositions / miniatures dédiées à des personnalités de l'art et de la science (H Portraits) ou à vingt-deux figures du Tarot de Marseille (Arcana Major). Il a fallu que le percussionniste californien Gino Robair, un collaborateur de Braxton, Butcher et Birgit Uhler, accueille cet impro - compositeur excentré - il vit actuellement au Japon - dans le catalogue de son label Rastascan pour que sa musique soit un peu plus entendue. Gianni Gebbia a une voix singulière et surtout un talent fou pour agencer son souffle frais et inventif dans une véritable construction élaborée de chacune de ses pièces. Ce sens profond de l'équilibre et du fin dosage de chaque élément sonore, mélodique, timbral, etc... fait songer à l'art de Steve Lacy. Ces SonicTarot Sessions, un album de 2001 sold-out à ce qu'il semble, ne contient pas moins de 22 miniatures aussi ingénieusement agencées les uns que les autres. Souffle continu, harmoniques, multiphoniques, bribes de mélodie, effets de timbres, coups de bec avec une sonorité tout à fait personnelle et un jeu dépouillé, direct. Un styliste de grande envergure qu'il faut découvrir d'urgence. Une voix aussi personnelle qu'ont pu l'être des saxophonistes alto tels que John Tchicaï ou Marion Brown, reconnaissables dès la première note.

Gianni Gebbia   et Miss Massive Snowflake, Mats Gustafsson et Paolo Angeli Wallace Recds / Phonometak Laboratories 

Mirko Spino (Wallace Records) et Xabier Iriondo (Phonometak Laboratories) ont uni leurs efforts dans la production de vinyles 18 cm de haute qualité dont chaque face est partagée par deux artistes. On y rencontre le groupe Zu, le chanteur Damo Suzuki (Can), Xabier Iriondo, lui-même, une personnalité incontournable de l’underground musical italien, Miss Massive Snowflake et Gianni Gebbia, Mats Gustafsson et Paolo Angeli. Je suppose que les deux albums avec Gebbia et Gustafsson devraient intéresser nos lecteurs. Dans la face qui lui est consacrée, Mats Gustafsson se fait entendre respectivement au sax basse , au baryton et à l’alto fluteophone. Mats est bien un des héritiers spirituels de l’Evan Parker des Aerobatics / Saxophones solos de 1975/76 (Incus 19) récemment réédité par Psi, même s’il se laisse aller à la mélodie. Ses coups de langue sur l’anche produisent des battements qui n’appartiennent qu’à lui. Il y a bien quelques explosions, mais le ton de ces trois morceaux est au travail du son et du souffle. Indispensable, surtout qu’on entend souvent Mats dans des univers plus chargés d’électricité. Son collègue sicilien (en partance pour le Japon) nous gratifie de six miniatures au sax alto. Tout comme dans ses disques précédents en solo (H Portraits et Sonic Tarots / Rastascan) ou celui en duo avec le percussionniste Stefano Giust (Duets, un classique du genre), Gianni Gebbia se révèle un grand poète de l’instrument. Je m’arrête à la musique de ces deux souffleurs, passant et repassant leurs deux faces. Il y avait longtemps que je les avais entendus dans cette intimité et avec une urgence qui me fait oublier tout le reste.

2 commentaires:

  1. page précédente "solos saxophones voices" remplacées suite à un problème d'éditions Blogger .......... réédition donc avec un nouveau texte et quelques problèmes de caractères !! bonne lecture .. j-m vs

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  2. quelques souffleurs solistes à découvrir : Martin Küchen, Tony Bevan au sax basse (Three Oranges), Wolfgang Fuchs (Bits and Pieces), Jacques Foschia (Clair Obscur), Rudi Mahall, Bertrand Gauguet (Etwa), Larry Stabbins (Monadic), Georg Wissell (the art of Navigation),

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Bonne lecture Good read ! don't hesitate to post commentaries and suggestions or interesting news to this......